A.Aleya

A.Aleya

Avant les noces

 

Ils sont venus. Accueillis dans la maison de mon père. Les Priamides aux richesses insensées.

Ils sont venus avec leurs chevaux, leurs cadeaux, leurs offrandes aux divinités.

Ils sont venus avec leurs esclaves, leurs bijoux.

Venus pour m'acheter.

Ma mère dit que ce n'est pas ainsi. Que mes prétendants ont fait des offres mais qu'Hector a été choisi. Il a apporté de splendides cadeaux à mon père, les hedna.

Et de même, je m'en irais dans un cortège chargé de présents pour sa famille.

 

Je suis encore invisible à leurs yeux. Cachée avec ma servante et ma nourrice, je n'ai pas envie de me montrer, de m'exhiber à cette troupe d'hommes. Cette troupe qui va m'emmener vers une ville étrangère, vers cette glorieuse Ilion dont l'orgueil semble rejaillir déjà sur les fronts de ces princes.

Mon père , le roi Eétion, organise les sacrifices rituels aux dieux et les festins.

Dès ce soir, ma mère m'a ordonné d'y paraître.

Ce soir, je dois rencontrer celui qui sera mon époux. Nous serons fêtés en grande pompe.

Oh, je l'ai entrevu, le prince Hector, le Dompteur de chevaux.

C'est un homme grand, aux larges épaules, brun, à la courte barbe. Il a l'air bien trop âgé, pour moi! Il a l'air ...sauvage sous ses airs policés!

Quand j'ai entendu sa voix grave, j'ai frissonné. Ma servante a gloussé, cette sotte. Néphé, ma nourrice, a voulu me rassurer, m'encourager à aller le saluer. J'ai rabattu un pan de mon voile sur mes cheveux et gravement, je me suis avancée aux côtés de ma mère. Mon père nous à présentés l'un à l'autre. Je n'ai pas levé les yeux vers le fils de Priam.

J'ai à peine écouté ses mots doucereux, sûrement!

Du bout des doigts, j'ai effleuré sa main, par courtoisie.

Nous sommes engagés l'un envers l'autre.

La prêtresse d'Héra, voilée entièrement, a entonné un chant et décidé que notre union serait consommée dans la ville d'Ilion.

Je n'ai rien eu à dire.

Me voilà semblable aux captives des Égyptiens ou des Barbares.

Demain, je m'en irais. Et nul retour ne sera de mise.

 

 

 

 

 

Cassandre, ma sœur, avait tort.

Ces noces s'annoncent éminemment compliquées.

Ma promise ne m'a pas regardé une seule fois. Je pense simplement qu'elle me méprise.

Nous avions, mes frères Déiphobe et Polytès et moi, rassemblé les plus belles étoffes teintes, les bijoux les plus étincelants, dignes d'Aphrodite elle-même! La princesse Andromaque n'a rien dit. A peine a-t'elle regardé ses présents.

Elle est vêtue très simplement. Non que cela me gêne: je n'aime pas vraiment les femmes trop coquettes. Mais, au palais de Priam, mes sœurs portent des tenues dignes de princesses troyennes. Ma future femme devra montrer son rang. Saura-t'elle le faire?

 

Au bout d'une journée de ce traitement, j'étais passablement troublé. Les dieux soient loués, mon cousin Enée, prince de Dardanie,  qui avait accepté de m'accompagner par sympathie me rassura:

 

   - Hé, bien, Hector! Pourquoi cette triste mine? Ta fiancée est jeune ! Tu vas bientôt goûter à la félicité du mariage! Il avait cet air amusé qui, parfois, vient chasser sa mine trop sérieuse.

    - Tu peux parler, fils d'Anchise! Tu es déjà marié depuis deux ans à ma sœur Créüse! Votre fils est un joyeux nourrisson en pleine santé. Et je sais bien que ma sœur est une personne facile à vivre, pas comme cette....sauvageonne d'Andromaque!

Enée partit d'un grand rire.

    - Tu vas bien vite à juger les gens, Dompteur de chevaux! Je crois que tu te débrouilles mieux pour aiguiser ton regard sur le caractère de ton troupeau, n'y vois pas d'offense!

     - Oh, non...Ma petite sœur Cassandre m'a à peu près tenu le même discours...

     - Tiens, donc, la devineresse...fit Enée songeur. Alors, qu'attends-tu pour entamer le dialogue, mon frère?

      - Comment? Devant toute sa famille? As-tu perdu la raison?

      - Voyons, tu sauras bien trouver un instant....avant de l'effaroucher tout à fait....Car je crois que tu te méprends sur Andromaque.

Et sur ces mots, Enée s'en alla.

 

Je ne savais que faire. Andromaque était toujours entourée d'une vieille femme que je pensais être sa nourrice, ou d'une servante qui riait trop.

Si j'allais vers elle, elle se couvrait d'un pan de son voile. J'avais à peine vu son visage. Mais je pouvais affirmer qu'elle ne m'avait pas adresser un sourire. Les femmes de cette région étaient-elles toutes aussi maussades? Ou n'aimaient-elles pas les hommes, à l'instar des Amazones?

J'en frémis, un instant.

Allons, je devais en avoir le cœur net.

Qu'Apollon m'éclaire! Qu'il me montre le chemin!

Mais le soir était tombé sur les flancs montagneux du pays de ma promise. La nuit envelopperait bientôt tous les environs.

Dans le jardin en contrebas, j'aperçus une silhouette déambuler.

Je crus un moment que c'était Enée qui profitait de la douceur du soir. Je dévalai rapidement le chemin pour aller le rejoindre. J'appréciais la compagnie de mon cousin éloigné de Dardanie. Et puis, j'aurais aimé qu'il poursuive sa conversation. Je me sentais tellement ignorant!

La lune pâle éclairait suffisamment les buissons pour que je retrouve la silhouette entraperçue plus tôt.

Je tournai la tête à droite, à gauche.

Par les sandales d'Hermès! Le malin me faisait une farce!

Un nuage cachait la face de Dame Lune. Je me retrouvais comme un sot dans l'obscurité, sans armes et sans savoir où j'étais vraiment.

J'entendis à peine un crissement dans l'herbe. Je fis une volte sur moi-même. Et arrêtai de mon bras ...le vide!

Tandis qu'un corps svelte se jetait sur moi. Musclé, le jeune éphèbe avait dû s'entraîner au pugilat bien souvent. Je pliai les genoux pour l'envoyer voler loin de moi mais, accroché à moi, de ses mains et de ses pieds, fermement, le maraud ne l'entendait pas ainsi!

Nous luttâmes âprement. Finalement, je finis par employer toute ma force pour me jeter à terre et l'écraser sous moi. Je l'entendis geindre.
    -
Hé, mon garçon, je ne te veux pas de mal! Quelle idée de te jeter sur moi...Mais j'avoue que tu es un fier adversaire! Tu es sans doute l'un des fils de mon hôte?
     - Idiot! T
u as failli me briser en deux!

 

 

Tous les deux sursautèrent.

Ils venaient de se reconnaître.

Le jeune homme n'en était pas un. Il s'agissait d'Andromaque.

Hector et sa promise venaient de faire connaissance de façon assez brusque.

 

Enfin, le nuage qui cachait Dame Lune se retira et ils se regardèrent dans les yeux.

Ce qu'ils y virent leur plurent. A chacun.

 

Leya @ 2012

 

 

 



03/05/2012
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