A.Aleya

A.Aleya

1 - Le pari soyeux de Severus

 

1 -

Un pari soyeux

 

 

Poudlard – un matin de décembre 1995

 

 

 

C’est le moment du petit-déjeuner. Les élèves sont déjà attablés dans la Grand’Salle. Quelques professeurs ont été retenus par des affaires urgentes. C’est le cas de Minerva McGonagall qui, exceptionnellement, est en retard. Cela ne lui ressemble pas ; elle est la ponctualité incarnée !

Pourtant, ce matin, son emploi du temps a été bousculé. En effet, la cheffe de la maison Gryffondor a dû désinfecter tout le dortoir, en entier ; une besogne fastidieuse dont elle aurait bien aimé se passer. Mais aucun professeur ne semblait disponible pour lui prêter main-forte. Tout est devenu compliqué depuis que Dolores Ombrage fait la pluie et le beau temps à Poudlard – mais surtout la pluie plus que le beau temps, à bien y réfléchir. McGonagall a donc œuvré seule, lançant sorts sur contre-sorts afin de contrer une attaque subite de Poyoutouffus malfaisants. Ce sont de minuscules lutins qui ont la fâcheuse manie d’empuantir l’air de pets malodorants quand on les projette en l’air. Bien entendu, les petits êtres ne sont pas arrivés chez les Gryffondor par hasard. La professeure a bien compris qu’il s’agissait là d’une farce stupide, une de plus, préparée par plusieurs élèves. Elle a même une idée précise de l’identité des responsables.

Mais elle saura leur trouver la punition qui convient. Enfin, pas maintenant. 
Ni dans les heures qui suivront : elle a une journée bien chargée de cours en vue. Et par la suite, elle aimerait enfin terminer ses emplettes pour les fêtes de Noël qui approchent. Cette année, elle se rendra dans sa famille des Highlands. Cette perspective la remplit de joie mêlée d’une légère panique. Du stress, disent les Moldus.  Elle n’a pas revu certaines cousines depuis fort longtemps.

Pour l’heure, chagrinée, chiffonnée, le chignon de travers, la professeure McGonagall a finalement pris le chemin de la Grand’Salle. Pour une raison qui lui échappe, ses nerfs sont à vif. Et pour ne rien arranger, elle a l’estomac creux ! L’heure tourne et elle n’aura que peu de temps pour son bracaist – le petit-déjeuner écossais. Si elle se laissait aller, elle oserait prononcer quelques jurons bien sentis en gaélique. A coup sûr, personne ne la comprendrait ! Mais Minerva McGonagall est une femme élevée à l’ancienne ; une telle attitude n’est pas convenable. Et puis, ce n’est pas non plus ainsi qu’une directrice adjointe se conduit.

Le long du couloir, elle allonge donc le pas et ne prête pas attention aux personnes qu’elle croise. Le nez en l’air, le dos droit, elle file. Et soudainBam ! Le choc.

Alors qu’elle vire au détour du corridor, ça ne manque pas, elle heurte quelqu’un ! Et pour ne rien arranger, il s’agit du professeur Rogue. Il s’excuse rapidement car il a l'air très pressé, lui aussi. McGonagall pense qu’il doit avoir faim, vu qu’il se fait un peu tard pour le petit-déjeuner. Peut-être a-t’il connu les mêmes soucis avec ses élèves de Serpentard, qui sait ? Les étudiants sont enragés en ce moment, on se demande où ils vont chercher toutes ces bêtises, à la fin !

Elle s’arrête, salue son collègue. Ce n’est pas parce qu’elle a mal débuté sa matinée qu’elle doit oublier les bonnes manières. Même si celles de Rogue laissent souvent à désirer, il faut le souligner.

Bonjour, Severus! Vous aussi, vous…

Brusquement, McGonagall s'interrompt, le détaille, hausse les sourcils. A-t’elle bien vu ? Est-ce sa vue qui baisse ?

Elle se concentre. Ajuste ses lorgnons. Oh, non, par Merlin ! Elle doit se tromper. Alors, elle écarquille les yeux. Et se rend à l’évidence. Son collègue ne porte pas sa robe de sorcier habituelle. Non, Severus Rogue est étrangement accoutré.

En Moldu.

Il a passé une chemise sombre et un pantalon de même couleur. Noire. Il doit avoir un faible pour ça, cet homme. Quand même, quitte à s’habiller ainsi, il aurait pu se mettre en valeur, se dit McGonagall. Ce n’est pas le propos. Pas du tout.

Et surtout, ce n’est pas le pire.

Non, le pire, c’est la façon dont il s’est habillé. De travers. Sa chemise n’est pas rentrée dans son pantalon, ses boutons ne sont pas bien attachés ; c’est très désordonné. La professeure baisse alors les yeux et…

Par Merlin, Morgane, Circé et compagnie ! Est-ce possible ? Elle a dû mal à croire à ce qu’elle aperçoit.

De son côté,l'air totalement impassible voire même décontracté, le professeur de Potions lui rend son bonjour. Il s’apprête à reprendre le couloir en direction de la Grand’Salle. Ni vu ni connu.

Elle lui barre le chemin.

Enfin, Severus, avez-vous perdu la tête ? Fait-elle d’une voix sourde.

Le maître des Potions esquisse une manière de sourire. Il paraît vraiment à l’aise ce matin. Détendu. Trop. Ce n’est pas son genre.

Excusez-moi, Minerva, que se passe-t’il ? demande-t’il comme s’il ne comprenait pas ses paroles.

Mais… Mais regardez-vous ! Fait-elle en agitant les mains dans le vide, sa voix grimpant dans les aigus. Votre tenue !

Il hausse imperceptiblement les épaules, la mine étonnée. Soudain, il paraît réaliser de quoi elle parle.

Ah. Ma tenue moldue. Je vois que cela vous trouble. Mais ce n’est rien : j’ai une autorisation du directeur en personne, je vous assure. Oui, Dumbledore souhaite tester … comment appelle-t’il cela déjà ? Ah, oui. De nouvelles techniques pédagogiques. Une tenue moldue passera mieux auprès de nos élèves. C’est un test, si vous préférez. Je participe au projet. N’êtes-vous pas au courant ?

Abasourdie, Minerva secoue la tête. Autour d’eux, il n’y a plus personne ; tout le monde est déjà attablé dans la Grand’Salle.

Absolument pas ! Se récrie-t’elle. Enfin, cela me paraît assez étrange. Je pense qu’Albus m’en aurait touché un mot. Je suis sa directrice adjointe, tout de même !

Puis, consciente de s’égarer dans des méandres hors sujet, elle revient à son propos :

Peu importe, peu importe ! Ce n’est pas de cela que je voulais parler ! C’est… c’est votre... mise, mon cher ! Ne pouviez-vous pas vous habiller correctement, Severus ? Regardez-vous !

Son ton d'ordinaire si calme s’apparente au bruit que ferait une volaille effrayée. Elle en prend conscience et cela l’énerve encore plus. Elle inspire une bonne fois et tente de reprendre son calme. Mais voilà maintenant son estomac qui commence à émettre des gargouillis très sonore ! Au même instant, un grand silence se fait. Ils sont seuls. Le couloir résonne atrocement. Les gargouillis recommencent.

Rogue lève un sourcil étonné. Il prend même un air choqué.

Oh, quel est donc ce bruit disgracieux ? Minerva ? Vous ? Je suis stupéfait ! Ce n’est pas votre style, vous, si correcte !

Elle s’emballe, s’empêtre.

Ce n’est… rien, du tout, rien !

Son estomac grogne à nouveau.

J’ai seulement faim, déclare-t’elle alors, très confuse. Oh, cette situation est absurde !

Elle chasse son embarras et le fusille du regard. Severus paraît se moquer d’elle ! Elle ne se trompe pas : il arbore un air narquois.

Dites donc, professeur Rogue, je ne sais pas ce qui se passe ce matin mais je crois bien que vous vous payez ma tête ! Vous me racontez des… des âneries de programme pédagogique puis vous … – Elle bafouille à nouveau, et plus ses phrases deviennent incompréhensibles, plus elle voit un léger sourire se dessiner sur les lèvres de Rogue – Oh, ça suffit ! Je ne vous permets pas de vous moquer, Severus ! Arrangez donc votre… Oh, boutonnez vous convenablement à la fin ! Là , en bas !

Et elle pointe du doigt théâtralement la ceinture de son pantalon – ainsi que sa braguette mal zippée, quelle honte – d’où dépasse un morceau de son caleçon. Et pas n’importe quel caleçon : un sous-vêtement en soie blanche, très voyant.

Ah. En effet, fait-il en baissant les yeux, sans se départir de son calme.

Et, tranquillement, il se rajuste.

La professeure McGonagall se sent rougir. Elle en a le souffle coupé mais ne peut laisser passer un tel comportement.

Et … c’est tout ce que ça vous fait ? C’est tout ce que vous dites ? Vous pensiez peut-être aller donner vos cours du nouveau programme je-ne-sais-quoi dans cette tenue  débraillée et indécente ? Severus, enfin ! Face aux élèves ? Imaginez un peu !

Un nouveau sourire s'esquisse à peine sur les lèvres fines de Severus. Il prend sa voix la plus veloutée pour dire posément :

Non, bien sûr, je ne le pensais pas. Veuillez m’excusez. C’était une erreur. Vous savez : « errare sorcierum est ».

Vous avez appris du latin de cuisine, Severus. Ce n’est pas la citation, le reprend-elle froidement.

Il a un petit sourire en coin.

Et bien, c’était pour mieux illustrer !

Minerva n’en croit pas ses yeux. Se croit-il malin ?

C’est un comble ! Vous persévérez, eejit !

Malgré elle, son accent écossais est revenu de plus belle. Et elle vient également de traiter son collègue d’idiot. Même si cela la démange depuis des années, ce genre d’attitude n’est pas professionnelle. La professeure tente de retrouver son sang-froid. Severus s’en est aperçu.

Oh, ce n’est pas grand-chose, n’en faites pas tout un plum pudding, non plus ! Voyons, Minerva !

Elle le regarde de travers. Continue-t’il son petit jeu ? Visiblement, il a l’air de bien s’amuser. Jamais elle n’aurait pensé cela de lui ! Elle ne sait quoi lui répondre. Il lui faut une tasse de thé. Et vite !

Quand on y réfléchit bien, Minerva, avec la vie que nous menons, nous méritons tous et toutes un peu de douceur, vous ne pensez pas ? Vous êtes si dure avec vous-même… Et en ces temps difficiles, vous ne le devriez pas. Je compatis, Minerva, vous savez, vous avez droit à votre part de …

Il continue ainsi et sa voix veloutée s’insinue dans son cerveau. Minerva avait tout à fait oublié que le maître des Potions pouvait se montrer aussi charmeur. Il a une belle voix, c’est certain. Elle reste figée, là, dans le couloir. C’est agréable, elle en oublie ses tracas ; les élèves qui provoquent le chahut, les mille tâches qu’elle doit accomplir, Ombrage qui lui casse les pieds et du sucre sur le dos, les responsabilités qu’elle doit endosser puisque Dumbledore est toujours parti – ou transplané plus exactement – par monts et par vaux, sa prochaine visite chez ses cousins des Highlands qui ne l’ont pas vue depuis des années et ce qu’ils vont dire…

Severus parle, parle et finalement, au milieu de cet enchantement de mots, elle entend :

— …. et c’est pour cela que je préfère porter des sous-vêtements agréables. Plus sensuels que les étoffes grossières. Comme du miel qui coule sur la chair. N’êtes-vous pas d’accord ? N'aimez-vous pas le contact d'un tissu soyeux sur votre peau ? Des culottes, des guêpières, des bas, que sais-je ? La délicatesse du satin ? la douceur de la soie ?

Il laisse planer ces derniers mots, sans sourciller. L’air rêveur. Minerva comprend le sens subitement, sort de sa stupeur et glapit :

Que racontez-vous ? Mais … mon cher, vous n’êtes pas vous-même ce matin ! Avez-vous perdu totalement l’esprit ? Comment osez-vous… ? Me parler de sous-vêtements, à moi ? Oh, je … !

Elle devient très rouge puis blêmit, elle le sent. Elle est en train de perdre tout contrôle d'elle-même. Son cœur bat à tout rompre. Rogue reste impassible. Seule une lueur maligne brille dans ses yeux noirs. Le temps semble suspendu pendant quelques longues secondes.

Finalement, avec un hochement de tête poli, Severus lui souhaite une bonne matinée et s'éloigne de plusieurs pas, la plantant là, égarée.

Elle ne sait que faire. Elle a l’impression de sortir d’un rêve. Elle doit agir. Bouger.

Au même moment, elle entend, comme sorti de nulle part :

Minerva, que se passe-t’il ? Vous me semblez perturbée ?

La professeure sursaute. Dumbledore se trouve non loin d’elle. Elle ne l’a pas vu arriver. Ni même entendu.

Ah, Albus, vous voilà !

Oui, Minerva. C’est bien moi. Pourquoi ?

Et bien… Cette fois, elle a envie de le secouer et de le traiter lui aussi de « eejit », de lui dire qu’elle en a assez.

Quelque chose dans l’attitude du vieux sorcier l’arrête.

Elle s'empresse plutôt de lui relater l'incident. Malheureusement, elle en vient à rougir à certains passages, celui du sous-vêtement, entre autres. Albus reste de marbre. Il la rassure puis, une fois qu’elle est calmée, lui propose de prendre sa journée pour effectuer ses courses de Noël et terminer ses bagages. Il est désolé qu’elle ait dû le remplacer si souvent et qu’elle doive faire face à Ombrage. Il fera cours à sa place aujourd’hui. Exceptionnellement.

La professeure est étonnée. Décidément, rien ne se passe comme d’habitude.

Et n’oubliez pas votre petit-déjeuner ! C’est le repas le plus important, Minerva ! Fait-il, paternaliste.

Son attitude lui tape à nouveau sur les nerfs mais elle préfère laisser les choses en l’état. Elle ne va pas changer Dumbledore. Alors, elle marmonne :

Un bon petit-déjeuner. Et de la confiture…Beaucoup. Et de la jelly aussi. Beaucoup. Et du beurre, bien onctueux. Bien doux au palais… et…des douceurs aussi. Du miel.

Elle ne sait plus ce qu’elle dit mais elle se sent prête à toutes les gourmandises.

Tandis qu’elle s’éloigne, un sourire malicieux se dessine alors sur le visage de Dumbledore. Pour lui-même, il murmure dans sa barbe.

Il a réussi ! Ah, il est fort, notre Severus ! C’est fait : il a gagné son pari  haut la main ! Jamais je n’aurais pensé qu’il pourrait piéger Minerva et lui faire perdre son sang-froid  ! D’abord, les Poyoutouffus pour la diversion, ensuite le programme des nouvelles pédagogies et la tenue moldue ! Et pour finir… Bon, j’ignore ce qu’il a pu lui raconter mais j’aurais bien aimé tout entendre. Par ma barbe, je lui dois un paquet de Gallions ! J’étais pourtant certain qu’il ne pourrait jamais faire perdre pied à cette chère McGonagall. Ah, je vais devoir prendre ma revanche … et récupérer mes Gallions.

 

 

 

 

FIN première histoire -- à suivre dans la seconde 

 

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05/01/2022
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