A.Aleya

A.Aleya

Parce que tu avais écrit

Parce que tu avais écrit un jour de cet an 2000 passé, si longtemps craint, si longtemps redouté, une lettre brouillonne de ta patte serrée. Déjà, ton écriture était devenue à peine lisible, hiéroglyphes nouveaux abîmés par la maladie.

"C'est la faute de James", disais-tu en parlant de ce Parkinson qu'on t'avait diagnostiqué en 1997.

Et si longtemps, tu as espéré...

Tu t'es battu, tu as trop résisté, tu t'es usé - tu nous as usés aussi, malgré toi.

 

Et finalement, James a eu le dernier mot. Comme toujours. On n'en guérit pas, de ces maladies-là. On n'en meurt pas directement non plus.

Elles effritent les humains, elles les épuisent. 

 

Mais en 2000, tu écrivais encore. En 2000, tu pouvais parler, articuler même soumis à des traitements médicaux qui t'ont à demi achevé plus d'une fois.

 

Tu avais écrit cette lettre que j'ai récemment retrouvée, truffée de tirets, de virgules et parenthèses, digressive à souhait. Tu me répondais, je crois, et entretenais un dialogue que nous avions commencé de ci de là, quand je suis parvenue à l'âge adulte.
J'ai eu du mal à te relire.

Le sens était là mais caché derrière des digressions, des phrases sans verbe et d'autres tournures qui te plaisaient mais n'en étaient pas pour autant très compréhensibles. 
Toi, l'autodidacte ou presque, tu n'avais pas pu faire de longues études. Et souvent, quand  tu rédigeais, tu me demandais,  si j'étais présente, de corriger tes phrases trop longues (et ce qu'elles étaient longues! et emberlificotées!). Mais tu aimais écrire.

 

 

« Curieusement, en réfléchissant aux derniers événements et aux plus divers – allant de la joie aux larmes, de la vie à la mort tandis que notre courbe à chacun croisait une ou plusieurs autres courbes (nos voies!), tandis que pendant une ou plusieurs périodes, nous avons vécu en parallèle, nous nous sommes reconnus, connus, et aussi perdus, le temps nous écartant parfois – en réfléchissant à cette dynamique d’évolution, je me disais que nous avons su nous garder lucides et que parfois nous n’avons pas su voir le temps aller...
Je me disais que le moment était passé et qu’il est déjà trop tard ! Mais je digresse.
A ce degré de ma réflexion, des évidences s’imposent : le sens que l’on reconnaît à sa vie."

 

 

Puis, après avoir parlé très honnêtement de ta foi, de tes croyances et de tes doutes aussi, tu terminais ainsi :

 

 

"Dis-toi bien que ton père a connu la même recherche intérieure que toi, s’imprégnant de textes et de religions et de philosophie orientales. (...)
Cela explique ce sens de l’ouverture sur le monde et les humains que ta mère et moi avons toujours essayé de vous faire percevoir à ton frère et toi. (…)
J’ai toujours pensé que tous les deux, vous auriez le pouvoir d’assurer votre jugement.
 
Savoir ouvrir son coeur dans la perspective d’admettre que l’on croit est une belle preuve de foi en ce qui fut, ce qui est et ce qui sera. » (16/02/2000)
 

 

 

 

 

 

En mémoire de mon père 1940-2017

 

 

 

Texte Leya - photos 2017/2018 LeyArts photos

 


 

 


 

 


 

 

 



06/03/2018
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