A.Aleya

A.Aleya

De verre, de miel et de flammes - Star Wars

 

De verre, de miel

et de flammes

 

 

"Hellfire
This fire in my skin
This burning
Desire
Is turning me to sin" Le bossu de Notre Dame - Hellfire 

 

 

I - Je suis le Sombre 

 

Je la perçois. Qu’est-ce donc ? Qui est-elle ?
Je la sens frémir à la limite de ma perception. Elle est toute proche tel un cil à peine effleuré, une ombre sentie aussitôt disparue, une onde à capturer, un rai de lumière infime. Une impression.

Je la perçois plus fort encore chaque jour depuis un mois.

Elle s’approche. Elle me frôle.

Elle lisse ses plumes contre les miennes. Elle est si proche.

Mais je ne peux jamais l’intercepter.

Elle m’échappe.

 

Elle frémit, elle me hèle, elle me tente, me harcèle.

Et je reste là, immobile, insensible insensé, sans limites, sans phares dans ma nuit de bronze.

De verre. Je suis de verre.

Aussi froid et inane qu’une surface polie.
Creux, sombre – et sans ressort. Sans étincelle.

 

 

Je pense la tenir. Elle s’évapore. J’enrage.

Puis…

Je fixe les étoiles. Je suis ailleurs, je suis un autre.

Car, non, je ne suis plus celui que j’avais été.
Je ne suis plus l’adolescent tumultueux prompt à la révolte, prêt à la bagarre, pressé de combattre, facile à mettre en colère.

C’était avant.

Je ne suis plus cet enfant turbulent, parfois empli de sentiments si contraires que j’en effrayais mes parents. Autrefois, absorbé par des souvenirs et de sombres figures qui ne m’appartenaient pas.

Je ne suis plus hanté par mes ancêtres et ma lignée vénéneuse.
Malgré la fascination que m’inspire l’effigie mon vénéré grand-père, je ne suis pas son clône, je ne suis pas lui.

Je suis plus encore.

 

 

 

 

Je suis le Sombre, l’incontrôlé, le terrifiant. Je suis mon propre maître. Et j’ai tué mon mentor.

Je suis double et complexe. Je ne suis plus un enfant aisément effrayé, trop souvent esseulé. J’ai agi. J’ai choisi.

Oui, j’ai tué, j’ai ordonné.

Je suis un nouvel ordre, un plus que moi-même. Suprême.

 

J ‘inspire la frayeur, la terreur dans les âmes, les corps et les coeurs.
Je suis le Vilain absolu, promis à être suprêmement obéi.

Je suis l’Obscur à jamais renouvelé. Le tentateur ultime.
Le poison dont je me nourris a depuis longtemps fait son œuvre dans mes veines, dans ma chair, mon cerveau.

Je suis la tourment à venir, la guerre ultime – le combat sans fin.

Je suis implacable, aussi tranchant que le verre.
Et je ne connais pas la douceur.

 

J’ai vécu une autre vie. J’ai été cet enfant trop têtu, cet adolescent aux longs tourments.

Mais j’ai fini cet vie de larve, cette existence de peur et de frissons, de rêves et de passions.

J’ai survécu à mon maître, j’ai survécu à mes terreurs, j’ai survécu à mes cauchemars.

Mon masque, je puis le retirer.

Mon visage n’est plus à cacher.

J’ai payé le prix. Je ne suis plus Lui.

Ma noirceur ne connaît pas de frontières.

Je ne peux pas faillir. Je ne fais pas partie des faibles - ma famille, mes parents.

Ils n’existent plus.

Ils ne sont plus.

Je suis

Craint. Despotique. Sans failles.

Kylo Ren.

 

 

 


 

 


 

 

 


 

 

 

II – L’enfant

 

Je sens mon coeur pulser lourdement sous ma tunique – mon armure, ma carapace !

Est-ce elle ?

Le frémissement a repris.

Je ne puis le chasser. Je pourrais étendre la main, je ne saisirai que le vide sans fin.
Non, il n’y a rien.

Je chasse ces pensées importunes.

Je me concentre sur ma respiration.

 

« Il n ‘existe rien d’autre. Que la Force en moi. Les émotions me traversent. Elles passent. Au travers. Et je reste sur ma route, seul et unique. La Force autour et en moi. Je suis la Force, elle est moi. »

Comme si j’avais besoin encore de me réciter ce vieux mantra Jedi….

Il me semble l’avoir appris dans une autre vie. Oui, sûrement. Quand j’étais encore cet enfant aux boucles brunes, déterminé à imiter mes maîtres, à me forger une âme de héros, un combattant tourné vers la lumière !

Fadaises. Sottises.

Tout ce prêchi-prêcha, Skywalker tenta de me l’inculquer. Et même si je l’écoutai respectueusement, une part de moi était pourtant ailleurs, comme attiré par un feu plus vivant, plus plein, plus sombre aussi. Par un brasier qui engloutirait mes peines et mes doutes. Alors, oui, je pourrais me dire libre, pensé-je alors, libéré de mes peurs, de cet abandon sans fin.

Alors, je me trouverai.

 

 

Je ne serai plus le gamin gênant, entre ses deux parents toujours trop occupés pour prêter attention à lui.

- Sors des jambes de ta mère, elle a autre chose à faire, grondait mon père. Elle est importante, on a besoin d’elle. Allez, petit, va rejoindre les autres enfants de la base.

Et il partait. Il ne se retournait pas. Il allait au devant de nouvelles mission, aventurier dans l’âme jusqu’au bout, laissant là un jeune fils dont il ne savait que faire.
- Va voir Luke, me disait alors ma mère. Il saura te montrer ce qu’il te faut .Je ne le peux pas, mon fils.
Et elle se détournait, comme attristée par le départ de son époux loin d’elle, comme embarrassée par ma présence.
Mais que faire de ces enfants nés après la guerre ?

Il y avait un Empire à démanteler, un ordre à restaurer. Ce n’était pas le moment d’ élever des enfants dans la douceur et le miel des caresses. La paix est plus rude qu’on le croit. Il y a tout à faire. Et les espoirs d’hier se sont dissous dans les désillusions d’aujourd’hui.

Qui étais-tu, petit, pour venir ennuyer les héros, les vainqueurs ? Pour qui te prenais-tu, enfant, pour demander qu’on t’aime ?

 

Je serre les dents. J’ai envie de fracasser mon poing contre le miroir qui me fait face.

Maudits souvenirs, soyez engloutis à jamais !

Ma rage monte encore.

Je ne peux réprimer cette vague fulgurante qui me déchire les entrailles ! C’est une marée sombre qui menace de m’engloutir, de m’avaler, chaque parcelle de mon être, chaque fibre de moi-même. Je ne suis pas ce passé. Non.

Non !

 

J’ai crié sans même le remarquer.

Je suis seul. Je suis ….

- Kylo Ren

 

 

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III- Ben 

 

A nouveau, la voix reprend :

-Kylo Ren, c’est toi ?

Je me retourn . Seul mon reflet me dévisage. Un mur lisse, d’une noirceur de glace ; un tas de cendres : ma pièce.

Je me frotte les joues, le front, j’ébouriffe mes cheveux bruns.

Qui a parlé ? Qui est là ? Qui souhaite me jouer un tour? 


– c’est un homme mort -

C’est impossible.

- Kylo Ren, meurtrier, monstre!

Elle recommence. La voix. C’est elle.

Je sens l’air palpiter autour de moi. On me parle, on m’appelle, on m’insulte ! 

- cela ne peut pas durer, tue-les tous! -

 

- Qui est là ? Fais-je à haute voix, l’énervement à fleur de peau.

Elle est là de nouveau. Fragile et douce. Forte et intense. Elle est dans la Force.

- ...et la Force est en moi...murmuré-je.

 

Je la devine. Je la pressens. Elle me parle d’une voix de femme. Je la connais, je la ressens.

Elle est de fer, elle est de miel. Elle est elle et elle est moi, parfois.

 

 

- Non, seul, tu es seul! détruis-la! - 


J’enrage. Et pourtant, je ne peux réprimer l’envie de lui répondre.

J'énonce: 

- Tu es Rey.

 

C'est un constat. Rey. 

 

- Rey ? Cette pilleuse d’épaves, cette rebelle, cette moins que rien !
Brûle-la, finis-la! détruis! -

 

Elle ?

Nous avons lutté. Elle m’a blessé.

Oui, je pourrais l’anéantir.

Ce désir me déchire; je lutte et je franchis les limites.

Je ne suis que flammes, que faim, qu’instinct.

 

Mais la Force nous relie,  l’ombre à la lumière.
Je ne peux pas me décider. J'essaie. je dois le faire.

Je me concentre. Elle est là, elle me regarde de ses yeux de forêt.
Elle me déteste, elle me rejette.

 

Elle est si seule.

- Je peux tout te prendre, je dis, un sourire sur les lèvres.

- Tu m’as dit ça la première fois déjà, Ben Solo.

 

Tais-toi, tais-toi, sale pilleuse, sale rebelle !

 

Elle veut m’atteindre. Je sens la Force, sa luminosité menace de m’engloutir, de m’anéantir. Je me fracasse contre sa lumière, contre son tourbillon, ce vortex insoluble de néant et d’énergie.

 

 

Kylo Ren, tu sers les Ténèbres.

 

- Je peux...te voir ? Fait-elle comme hésitante.

Va-t’elle cesser ? Elle murmure et ses intonations ont le goût du miel sur ma langue.

 

Misérable ! Cela doit cesser. 

 

Je me reprends.

- Viens, Rey, je fais.
Je perçois en elle le doute, la volonté aussi, la puissance.

- Viens de mon côté…Rejoins-moi.

Mais elle ne bouge pas. Elle ne me rejoint pas. Sa peur est jugulée par  la puissance de la Force, de ce lien qui s’est créé entre nous depuis longtemps, alors même que j’ignorais qui elle était.

Elle est ombre et lumière. Elle ne se bat pas. Elle est douceur et implacabilité. Elle pourrait me briser ici, là, à ce moment. Si elle voulait, si elle savait!

Elle est moi, elle est elle.

J’utilise toutes les techniques pour me barricader mais elle est déjà dans mon esprit. Elle m’envahit et je ne peux rien faire. Elle est l’ossature qui me manque, elle vient combler ma solitude et ma terreur. Elle est la base, la pulsion éternelle, le rythme de mon coeur, la vibration dans mon sang. Elle est ma lumière dans mes ténèbres. Et je suis elle, je suis moi. ? Nous nous complétons sans même le vouloir.

 

 

C’est effrayant . C’est magnifique. 

 

Je suis sa part sombre, elle est ma part de lumière - et nous ne sommes qu’un, unis et différents, ennemis et amants.
Je suis de verre, elle est de miel.

Elle est ma vie, ma haine, mon âme. Je la déteste et je la contemple. Je ne suis pas…

- Ben ? 

J’entends la voix de ma mère dans le lointain espace .

Elle me berce .

Je suis son étoile.

Je ne suis plus

 Qu’un puits sans fin de néant et de noirceur.

Je suis sa lumière, j’éclaire Rey quand elle pleure, quand elle doute.

Je ne veux pas

la quitter.

 

- Rejoins-moi !

Mais ce pont ne se construit pas. Et nous restons chacun sur le rivage des émotions de l’autre, incapable de franchir le gouffre qui s’ouvre de plus en plus.

C’est déjà arrivé ! Dans la forêt ! Quand nous nous sommes combattus.

Elle m’a blessée, j’ai failli la vaincre. Et nous avons été séparés. 
Nous sommes si seuls/

 

- non, tu es seul !  reprends-toi, tu es de flammes ! -

 

- Ben !Reviens…! Je vois la clarté en toi! 

Non, je ne veux pas entendre ses mots, sa douceur. 

Je ne peux pas, j'ai trop mal.

Je m’enfuis, et ses larmes sont des gouttes d’eau sur mes joues.

Je suis un lâche. Je suis…

 

- comme ton père? -

 

Alors, je me retranche en moi-même et le vide est sans fin, sans fond. Le froid m’environne .

Je ne ressens plus rien. Je ne vuex plus rien sentir. Les sentiments sont des pièges qui font miroiter l’espoir.

Et l’espoir est la plus cruelle des tortures.

 

Je suis...
Kylo Ren.

Je ne suis plus accessible.

 

- Rey…

 

J’enfonce mon poing dans le mur. Je ne sens pas la douleur. Les flammes sombres reparaissent. Enfin, pour tout oublier, pour cesser. 

Il n’y a plus rien que ce vide. Cette solitude.

Et elle aussi est si seule.

C’est ce que je lui dis à voix haute.

- Rejoins- moi, tu ne seras plus jamais seule.

 

 - Jamais! NON! 

 

Elle me rejette. Elle est partie. Elle n'a pas répondu.
L'entendrais-je encore? 

 

 

Le vide est là

Le vide est fait

C’est monstrueux.

Je m’immerge, je me baigne dedans. J’y suis. Le seul.

 

- oh, Rey, j’aurais pu t’aimer...- 

 

 

 

Leya 

2016/2018

One shot commencé en 2016 après "Le Réveil de la Force", fini après "Les derniers Jedi". 

 



29/12/2017
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